Les Stablecoins sont sur le point d’atteindre la « masse critique » tandis que l’année 2027 est perçue comme une année charnière.

La course pour définir l'avenir de la monnaie s'accélère — et selon les leaders du secteur, les stablecoins en sont au cœur.

« Il est clair que le point le plus important de notre feuille de route est de comprendre à quelle vitesse nous pouvons agir, et il est évident que les trois prochaines années seront les plus rapides que nous ayons jamais vues dans le développement des actifs numériques », a déclaré Sergio Mello, responsable des stablecoins chez Anchorage Digital lors de l’événement Global Dollar Network de Paxos à New York.

« 2025 apportera de la clarté ici, 2026 ailleurs, et 2027 sera l’année où tout se concrétisera. »

Mello ne parlait pas en hypothèses. De son point de vue à l’intérieur d’une des premières banques crypto fédérales des États-Unis, il considère les stablecoins non pas comme de simples instruments financiers de niche mais comme une évolution fondamentale du système monétaire mondial.

« Les stablecoins représentent mieux la monnaie fiduciaire, offrent une meilleure méthode de transfert de cette monnaie, mais en fin de compte, il s’agit simplement d’argent que l’on déplace », a-t-il expliqué. « Nous fusionnons la couche de transport et la couche de valeur dans un même instrument. »

Cette évolution de la monnaie est loin d’être théorique.

Selon Mello, les acteurs de l’industrie, qu’il s’agisse des réseaux de paiement, des dépositaires ou des fournisseurs de services financiers, posent les bases de ce qu’il appelle une « masse critique » d’adoption institutionnelle — un phénomène qu’il prévoit dans les 12 à 24 prochains mois, particulièrement dans les paiements. « C’est là que l’argent va », a-t-il conclu.

De l'expérimentation à l'infrastructure

Les stablecoins étaient autrefois considérés comme des outils destinés aux spéculateurs crypto ou aux arbitragistes offshore. Cependant, selon Raj Dhamodharan, EVP chez Mastercard, cette perception évolue rapidement.

Les stablecoins fonctionnent désormais comme la « couche de mouvement monétaire » au sein de cas d'usages de plus en plus grand public, a-t-il précisé, ajoutant que les envois de fonds internationaux, les paiements interentreprises et même les dépenses de détail gagnent déjà en traction.

Par exemple, Mastercard met en place des cartes permettant aux utilisateurs de choisir la devise — fiduciaire ou stablecoin — à dépenser, tandis que les commerçants peuvent décider de ce qu’ils souhaitent recevoir. « Nous avons commencé à faire cela avec les cartes. Nous avons commencé avec les envois de fonds », a déclaré Dhamodharan.

Ahmed Zifzaf de Worldpay a confirmé ce propos, décrivant comment leurs clients utilisent les stablecoins pour la gestion de trésorerie en temps réel. « On commence à voir comment cela accélère tous ces flux de paiements et financiers », a-t-il expliqué, précisant que Worldpay se concentre sur la collaboration avec des blockchains « éprouvées » comme Solana pour étendre ces initiatives.

Le dilemme des banquiers

Pourtant, toutes les institutions financières ne se précipitent pas.

« Quelles contraintes avez-vous du fait que vous êtes une banque ? » s’interroge Luca Cosentino de Cross River. Les obstacles sont réels, a-t-il affirmé — les infrastructures technologiques héritées, les risques liés à la conformité, et la résistance culturelle ralentissent tous le rythme de l’innovation. Mais la scission dans les stratégies devient claire.

« Certaines banques ne toucheront pas à la crypto [...] d'autres se concentreront sur la conservation [...] d’autres encore se focaliseront sur les mouvements monétaires », a-t-il poursuivi. « Mais je doute fort qu’une grande partie des banques [...] n’entre pas dans la crypto d’une manière ou d’une autre. »

Sunil Sachdev de Fiserv a noté la même division. « Nous avions environ 12 banques prêtes à démarrer », a-t-il expliqué, décrivant comment les nouvelles règles sous SAB 121 ont en effet gelé beaucoup de ces projets. « Puis, tout d’un coup, tout s’est arrêté en une journée. » Mais l’intérêt n’a pas disparu, surtout parmi les petites banques.

« Les grandes institutions semblent prudentes », a-t-il ajouté. « Les petites banques sont beaucoup plus agressives parce qu’elles voient cela comme une opportunité d’attirer des dépôts à faible coût. Elles envisagent cela comme un moyen de se différencier. »

Il a dressé un tableau saisissant de l’évolution possible d’une banque de petite ville : trois agences, des liens forts avec la communauté, et désormais une feuille de route pour devenir un « nœud de confiance » dans un réseau blockchain mondial, offrant des produits financiers tokenisés indisponibles ailleurs.

Mieux que le fiduciaire

Alors que beaucoup dans le secteur supposent que ce sont les institutions qui mèneront l’adoption, Mark Greenberg de Kraken en doute. « Les Américains pourraient en fait être certains des derniers groupes à adopter un dollar global », a-t-il déclaré. Mais en dehors des États-Unis, la demande est forte.

« Je crois qu’un dollar global est préférable à la détention de monnaie fiduciaire, et nous allons le voir », a-t-il ajouté, précisant que cela est particulièrement important dans les pays où l’inflation érode la valeur et où le rendement est rare.

Et ce ne sera pas seulement pour l’épargne. « Vous y placez votre argent, vous utilisez une carte liée. À un moment donné, vous transférez à vos amis, vous payez vos factures », a-t-il dit. « Et peut-être achetez-vous une meme coin ou une action. »

Mike Dudas de 6th Man Ventures a suggéré que la couche applicative orientera le comportement des consommateurs. Les stablecoins « sont l’élément fondamental dans lequel les gens doivent pouvoir stocker de la valeur », a-t-il expliqué. « Et maintenant, grâce à Visa, Mastercard et aux fournisseurs de sorties, je peux effectivement dépenser ces dollars que je reçois. »

Sheraz Shere de la Solana Foundation a ajouté que l’infrastructure existe maintenant pour soutenir ces ambitions. « Il y a cette idée reçue que l’infrastructure TradFi est bonne », a déclaré Greenberg. « Il y a aussi des pannes chez ces institutions TradFi. » Plutôt que de promouvoir la performance, il estime que la meilleure stratégie est de laisser les résultats parler d’eux-mêmes. « Moins on en parle, mieux c’est. »

Une stratégie pour renforcer la dominance du dollar américain

Alors que les stablecoins sont souvent abordés sous l’angle de l’innovation et de l’inclusion financière, les décideurs politiques pourraient regarder quelque chose de plus immédiat : la demande pour la dette américaine, selon l’ancien président de la CFTC, Chris Giancarlo.

« 95 % de la force motrice derrière la législation sur les stablecoins est de créer une demande accrue pour les Trésors américains », a-t-il déclaré. « Les 5 % restants concernent simplement la détermination du régulateur responsable de la supervision. »

Ce n’est pas un récit porté par la crypto, a soutenu Giancarlo. Les stablecoins sont désormais perçus comme un moyen de renforcer le rôle mondial du dollar américain par la numérisation et la distribution à grande échelle. « Les stablecoins ont démontré que la demande mondiale en dollars dépasse largement l’offre dans un monde analogique, et la beauté des stablecoins est de satisfaire cette demande », a-t-il expliqué.

Jonathan Levin, CEO de Chainalysis, a indiqué que les banques abordent cet espace avec prudence, mettant davantage l’accent sur la stabilité des actifs et le risque de contagion de marché que la plupart des acteurs natifs de la crypto. « Quand il s’agit des banques, elles examinent la question en disant : je dois non seulement comprendre la stabilité de mes actifs, mais aussi celle de tous les autres actifs. »

Selon Levin, les données seront cruciales. Les émetteurs doivent suivre la performance à travers des milliers de paires de devises et de places de marché, tout en gérant les risques sans compromettre la décentralisation. « C’est un défi data qui va s’avérer vital », a-t-il insisté.

Les années à venir

Alors que les efforts législatifs progressent à Washington, de nombreux intervenants ont convenu que des règles durables — sur les réserves, les points d’entrée, les divulgations — sont attendues depuis longtemps. Mais l’opportunité à venir dépasse la simple conformité.

« En fin de compte, même si les politiciens se concentrent sur la demande de bons du Trésor, il est dans l’intérêt des Américains que le dollar continue à servir de monnaie de réserve mondiale », a affirmé Giancarlo.

En définitive, un thème a émergé durant les quatre panels : les stablecoins ne sont plus une expérience. Que ce soit des petites banques cherchant à rester pertinentes, des entreprises en quête de règlements plus rapides, ou des régulateurs répondant à la pression exercée sur le marché des Trésors, l’écosystème des stablecoins évolue rapidement — et la route vers 2027 pourrait bien déterminer comment la finance mondiale sera organisée pour la prochaine génération.

Lire la suite : Stablecoins Will Expand Beyond Crypto Trading, Become Part of Mainstream Economy, Citi Predicts

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