Minage de bitcoin, stablecoins, vie privée… Interview exclusive d’un député du Rassemblement National 

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Les cryptomonnaies sont des outils favorables à la protection de la vie privée ainsi qu’un vecteur inédit en matière d’émancipation financière. Pour autant, le cadre réglementaire n’a jamais été aussi illisible et complexe, résultant notamment de l’ingérence progressive de l’Union européenne, ce qui débouche sur une évolution en zone grise pour nos entreprises du secteur numérique.

Au regard du contexte actuel, certains députés appuient une vision plus souveraine de la France. Dans cette interview exclusive, découvrez la vision d’Aurélien Lopez-Liguori, député RN de l’Hérault et président du groupe d’étude sur la Cybersécurité et la Souveraineté Numérique.

Un parcours politique riche et varié, marqué par l’appétence progressive pour les nouvelles technologies

Photographie du Journal l’Agathois

Démarrant en 2018 en tant que collaborateur parlementaire, Aurélien Lopez-Liguori a gravi les échelons avant de se hisser comme député de l’Assemblée nationale en 2022. Ayant réalisé des études d’affaires publiques de 2016 à 2018, il se penchait originellement sur les matières premières agricoles et les métaux rares, aspirant à devenir lobbyiste.

Gagnant en parallèle en appétence pour les nouvelles technologies, son arrivée en tant que conseiller parlementaire au Parlement Européen pour Jean Lin Lacapelle a accéléré cet intérêt. En effet, travaillant plus d’un an sur le DMA (Digital Markets Act) et le DSA (Digital Service Act), cela a donné à Lopez-Liguori une vision plus précise de l’arsenal réglementaire sur lequel l’Europe a travaillé ces dernières années.

C’est dans ce contexte qu’Aurélien Lopez Liguori s’est emparé de nombreuses questions autour des nouvelles technologies, de la souveraineté numérique et de la cybersécurité.

L’Union européenne : un marché réglementé de la mauvaise manière ?

À mesure que les années passent, l’Union européenne s’est arrogée une partie du pouvoir des États membres, durcissant son arsenal juridique sur le numérique pour établir un cadre plus unifié que jamais. Le règlement MiCA (Markets in Crypto Assets) est un très bon exemple, ce dernier ayant drastiquement restreint l’innovation crypto, durcit l’accès pour l’obtention d’une licence CASP, tout en étouffant les émetteurs de stablecoins euro, au détriment de la compétitivité européenne.

Pour que vous puissiez saisir l’ironie de la situation, le premier stablecoin euro se positionne à la 30e position sur le marché, émis par un acteur américain (Circle). Par ailleurs, le $EURC n’est capitalisé qu’à hauteur de 255 millions de dollars, pendant qu’un stablecoin adossé au rouble, le $A7A5, est aux portes du top 20 avec une capitalisation quasiment deux fois plus importante. Une asymétrie financière, résultant d’une réglementation bien trop contraignante.

Cet aspect, le député RN l’a parfaitement compris, faisant un parallèle avec le RGPD (Réglement Général sur la Protection des Données) pour mettre en avant certaines failles qui s’appliquent à l’ensemble des règlements portant sur le numérique :

« Il ne faut pas réglementer des technologies mais les mauvais usages, ce qui n’est pas le cas du RGPD. Cela ouvre un gros sujet sur les libertés publiques. Désormais, les entreprises sont forcées de passer par milles bacs à sable. Le plus important à saisir, c’est qu’il faut faire confiance aux européens, il faudrait que les règles actuelles s’appliquent prioritairement aux acteurs extra-européens ».

Selon lui, là où l’Union européenne devrait travailler, c’est dans l’assouplissement de certaines règles pour les entreprises européennes, en contrepartie d’un durcissement pour les acteurs extra-européens. Afin d’appuyer cette vision, il explique notamment que :

« Pour les acteurs européens, de part leur conception de la liberté et de leur philosophie, les entreprises ne vont pas faire n’importe quoi ».

On le constate notamment dans les crises financières survenues entre 1929 et 2008, elles tiennent majoritairement leur origine des États-Unis. Serait-ce les maux d’un marché bien trop libre ? Aurélien Lopez-Liguori explique également que :

« L’Union européenne est beaucoup trop axée sur le libre marché avec une vision des bisounours. Avec sa commande publique, l’appel d’offre est accessible aux quatre coins du monde, ouvrant trop simplement le marché à des entreprises américaines ou asiatiques ».

Commande publique et fonds souverain : les solutions envisagées par Aurélien Lopez Liguori

Avec l’impact négatif de MiCA et la vision erronée de l’AMF, le député compare cela à GaiaX, la suite bureautique européenne qui fut un véritable échec. Affirmant à nouveau qu’il y a uniquement une vision réglementaire, cela expliquerait pourquoi de nombreuses entreprises de l’écosystème Web 3 se dirigent à ce jour vers Dubai pour s’installer. Par ailleurs, il met en exergue que :

« Le problème, c’est que nous sommes dans une logique de marché qui est ouvert à tout le monde. Nous n’arrivons pas à empêcher d’autres acteurs d’entrer sur le marché européen. On a des grands ingénieurs, des chercheurs et des prix Nobel, mais ils travaillent aux US. ».

En ce sens, pour protéger le berceau français et européen du numérique, autant pour l’IA, les cryptomonnaies et autres thématiques qui gravitent autour, il propose une vision en trois étapes qui se compose ainsi.

« Premièrement, la priorisation de la commande publique pour le marché européen et français. Par exemple, les grandes entreprises tech US sont issues de l’aide de l’État et de subvention majeures. C’est le cas avec SpaceX où le gouvernement surpaie les satellites ou les lanceurs. Ensuite, une réglementation plus forte vis à vis des entreprises extra-européennes. Enfin, une logique de planification avec le choix de quelques technologies pour la création d’un fonds souverain ouvert ».

Ici, le député RN voit en la commande publique un véritable outil, bien plus performant que de simples subventions, cela visant à ouvrir des marchés pour de nombreuses entreprises. Selon les chiffres rapportées, un euro de commande publique représente huit euros de subvention. En ce sens, cela protégerait l’écosystème numérique et les start-up, françaises comme européennes.

La mention d’un fonds souverain est séduisante. Dans le monde, selon les données rapportées par RTS, ce sont plus de 13 000 milliards de dollars générés, soit le PIB cumulé de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni. Le fonds norvégien est le plus important au monde, avec une stratégie orientée vers l’intelligence artificielle.

Anonymat et mixeurs cryptos : une liberté qui doit être conservée

Au regard de son histoire et de la défiance de la population dans l’histoire de la politique française, Aurélien Lopez-Liguori affirme que le RN fut le premier parti à créer un site internet ainsi qu’un compte Facebook pour faire face à la censure.

« La censure est la chose la plus délétère dans une démocratie. Par le biais d’une libération via les réseaux sociaux, nous défendons une logique de liberté en ligne et de défense de l’anonymat ».

Affirmant néanmoins que l’anonymat n’existe pas totalement et qu’il y aura toujours des moyens d’y mettre un terme, lever cette dernière par le biais d’une loi, sous le motif de protéger l’espace numérique et éviter certaines dérives, ne règlera pas le problème.

« Cela ne changera en rien hormis alerter les criminels. Pour l’utilisateur lambda sur internet, il sera tapé avant comme après, d’où le vote du RN pour éviter la levée de l’anonymat ».

Cette position fut récemment confirmée dans le cadre de la loi n°2025-532 du 13 juin 2025, visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Le gouvernement voulait affaiblir le chiffrement avec une backdoor pour capter les messages chiffrés. Aurélien Lopez-Liguori affirme que les cryptomonnaies étaient au coeur du débat, notamment les mixeurs.

« Le gouvernement voulait créer une présomption de délit à l’utilisation des mixeurs cryptos. Alors qu’au contraire, il n’y a rien de plus transparent que les cryptomonnaies. Globalement, c’est toujours le même sujet. Face à l’incurie financière de l’État, on se retrouve à pénaliser l’utilisation des outils plutôt qu’une police cyber qui combat réellement les criminels ».

Tandis que TRM LAbs et Chainalysis s’avancent sur un ratio de 0,14 % à 0,4 % de transactions illicites dans l’industrie des cryptomonnaies en 2024, l’UNODGC table sur 2 100 à 5 000 milliards de dollars de flux illicites en monnaies fiats (2 à 5 % du PIB mondial). Cela pointe du doigt les problématiques du gouvernement français quant aux priorités, avec un manque de recul sur les différences entre le Web 3 et la TradFi.

Bitcoin au service du parc nucléaire français : Bercy face à l’échec

Pour conclure sur cette interview, nous avons demandé à Aurélien Lopez-Liguori sa vision concernant bitcoin. Pour rappel, il est à l’origine de la proposition de loi n°1750, autorisant à titre expérimental l’utilisation des surplus électriques pour le minage de cryptoactifs.

Sur ce sujet, la position du député est très claire :

« Il faut se muscler face aux investissements étrangers. On voit en bitcoin et son minage un outil de rentabilité pour EDF. En effet, une partie des énergies est jetée à la poubelle. Dès qu’il y a de fortes tensions sur le réseau ou de la chaleur, il faut baisser la production des centrales nucléaires ».

Le député voit plutôt en bitcoin un moyen qu’une finalité. Le minage de cryptomonnaies serait idéal pour le court et le moyen terme, permettant de résoudre les problématiques portant sur la modulation des centrales nucléaires et l’impact (confirmé par l’ISNR) sur la durée de vie de ces dernières.

Cela explique son opposition pour la vente d’Exaion à destination de MARA, une entreprise américaine, en se manifestant avec la question écrite n° 10116 du 7 octobre 2025.

Cette vente est totalement incompréhensible puisqu’elle laisserait filer une partie de la souveraineté française en faveur d’un géant US du minage, plutôt que de capitaliser sur les points forts d’Exaion, notamment son calcul haute performance. Cela permettrait de tirer profiter du roi des cryptomonnaies et financer la rénovation du parc énergétique français grâce au minage. En effet, l’ADAN rappelle qu’un gigawatt de puissance représenterait 100 à 150 millions de dollars de recettes annuelles.

Ce manque de vision et de stratégie, cela résulte d’une évolution des rapports de force et de la prise en importance du secteur privé dans le développement des nouvelles technologies, ce qui est notamment rappelé par Aurélien Lopez-Liguori :

« Le problème du numérique, c’est qu’à l’époque, il y avait une logique de secteur publique qui créait l’innovation avant d’être attrapée par le secteur privé. Aujourd’hui, c’est l’inverse, c’est ce dernier qui crée l’innovation puis le secteur publique capte les avancées ».

La France, confrontée à un mur face à la concurrence étrangère ?

Une souveraineté numérique non maîtrisée, une perte des pépites technologiques françaises, une réglementation étouffante et une fuite des cerveaux ? La sonnette d’alarme est tirée par un nombre croissant de politiques et entrepreneurs.

Malgré un constat pessimiste, les géants français du numérique continuent d’émerger, notamment Mistral AI, Ledger ou Morpho Labs.

Cette interview du député de l’Hérault met en exergue les problématiques qui se posent au secteur du numérique depuis quelques années, tout en proposant une ébauche de mesures qui pourraient renverser la situation vis-à-vis des acteurs extra-européens. Une situation à monitorer activement dans un contexte politique et réglementaire plus complexe que jamais.


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